Le 24 mai, les ministres Etienne Schneider et Xavier Bettel ont présenté leur vision stratégique de l’intelligence artificielle (IA). Dans le document stratégique présenté, les avantages de l’intelligence artificielle sont présentés dans les grandes lignes : Les technologies les plus récentes doivent être puissantes, entièrement sous contrôle humain et débordantes de potentiel.
Pour les ministres, un ordinateur n’a pas besoin d’être vraiment nouveau pour être considéré comme un système d’intelligence artificielle. En effet, selon la définition du document gouvernemental, toutes les machines capables d’imiter le comportement humain et, dans une certaine mesure, l’intelligence humaine, font partie de la catégorie de l’IA. Par conséquent, non seulement les machines récentes dotées d’algorithmes d’apprentissage automatique, mais aussi les programmes d’échecs vieux de 30 ans, par exemple, sont inclus dans la même définition.
Il y a en effet une grande différence entre le fait qu’une machine n’effectue que les calculs pour lesquels elle a été programmée et le fait qu’elle puisse « apprendre » sur ces calculs. La traçabilité des décisions prises par les machines étant directement liée à la connaissance des calculs de l’ordinateur, de nouveaux défis se posent aux machines apprenantes.
Dans le cas des réseaux neuronaux, par exemple, il n’est guère possible de comprendre comment les machines parviennent à certaines décisions. Dans de tels cas, il faut travailler avec des résultats qui ne peuvent plus être vérifiés par l’homme et qui, en même temps, ne sont plus le résultat de la programmation humaine initiale. Cela soulève toute une série de questions concernant la responsabilité et, de manière générale, remet en question les possibilités d’utilisation de l’IA : un informaticien peut-il être responsable des mauvaises décisions d’une machine qu’il a programmée à l’origine, mais dont il ne pouvait plus contrôler les décisions au moment de l’erreur ? Et dans quelle mesure pouvons-nous assumer la responsabilité de déléguer des décisions à des machines, alors que ces décisions peuvent être erronées sans que nous nous en rendions compte ?
Le document stratégique du gouvernement donne à ses lecteurs l’impression d’être à deux pas d’une merveilleuse révolution technologique à venir. Le langage et la conception du document sont progressistes et modernes : il y est question d’innovation, de recherche et de développement, de clusters régionaux et de partenariats public-privés. Malheureusement, le projet des ministres n’est pas aussi simple que le document veut le faire croire. Non seulement les questions de responsabilité et de validité des calculs, mais aussi la prise de position des habitants luxembourgeois, qui ont tendance à ne pas prendre de risques, constitueront encore un grand défi pour le gouvernement dans la mise en œuvre de son projet. Des investissements publics élevés ne suffiront pas à faire du Luxembourg un pionnier de la technologie de l’IA si les conditions cadres ne sont pas adéquates.
Pour que l’entreprise ministérielle réussisse, le gouvernement doit cesser de se laisser aveugler par les belles apparences du progrès. Le Luxembourg n’est pas (encore) le Silicon Valley. Ce ne sont pas les millions dépensés et les belles paroles qui y changeront quelque chose.